Du Siècle d'or à la Movida, de Cervantes à Pedro Almodóvar, Madrid n'a cessé d'attirer les âmes éprises d'idéal et de démesure.C'est en 1561 que Philippe II fit sa capitale de ce gros bourg poussiéreux doté d'une citadelle maure. Dès lors, le destin de Madrid se confond avec celui des dynasties qui s'y sont succédé. Le Madrid des Habsbourg, capitale des Deux-Mondes, à laquelle une pléiade de peintres et d'écrivains donne un prestige universel. Le Madrid des Bourbons, qui lie l'Espagne à la France par un pacte de famille. Puis les heures noires de l'invasion napoléonienne, fixées pour l'éternité par Goya. Une fois le roi intrus " chassé, un roi " désiré " _ puis détesté _ retourne dans la Villa y Corte. En 1860, une gigantesque opération d'urbanisme est mise en chantier, l'ensanche, qui ne s'achève véritablement qu'au seuil de notre siècle. Les élections municipales de 1931 mettent fin à la monarchie, mais bientôt la guerre civile fait de Madrid le symbole d'une lutte désespérée. La longue nuit franquiste s'abat sur l'Espagne avec son lot de frustrations et de censures tandis que toreros et footballeurs deviennent les nouvelles idoles.A la mort de Franco, il était difficile d'imaginer que Madrid deviendrait en si peu de temps la capitale d'un des pays les plus décentralisés d'Europe. Sans aucun doute la Movida madrileña est l'enfant naturel et insolent de la démocratie retrouvée.Je vivais dans un quartierde Madrid, avec des cloches,Avec des horloges, avec des arbres.De là j'apercevaisL'âpre visage de la Castille tel unocéan de cuir [...].Et un matin, tout fut en flammesEt un matin, les brasiersSortirent de terreDévorant les êtres humains.Et à partir de là ce fut le feu,Ce fut la poudre, ce fut le sang.Pablo Neruda, 1936Madrid rappelle cet aphorisme d'Epictète: " Tu feras grandir ta ville non pas en élevant les toits de ses demeures, mais en élevant l'âme de ses habitants. "Ramón Gómez de la Serna, 1951Madrid me mata.(Madrid me tue [de plaisir].)graffiti du Madrid de la Movida,années 1980Madrid me mata [Madrid me tue], cela veut dire elle me vainc, elle me déborde. Madrid est universelle. C'est une ville ouverte, dans laquelle il y a de la place pour tout le monde et pourtant le Madrilène n'achève jamais son intégration dans l'univers, il vit sa ville comme si elle était le monde.Enrique Tierno Galván, mai 1985La démocratie n'a pas éveillé Madrid, mais elle a sonné la fin de son cauchemar. Le cauchemar est mort, ce sont maintenant les rêves qui vivent.Antonio Gómez Rufo, 1986Bernard Bessière, professeur à l'université de Toulouse-Le Mirail, ancien membre de la Casa Velázquez de Madrid, a notamment publié Le Défi espagnol (La Manufacture, en collaboration avec Bartolomé Bennassar), La Culture espagnole (L'Harmattan) et Vingt Ans de création espagnole (Nathan).
GRAMMAIRE DES CIVILISATIONSAu début des années soixante, Fernand Braudel fut sollicité pour rédiger un texte consacré aux grandes civilisations, désormais au programme des classes de terminale, un projet qu'il défendait de longue date. Dans ce manuel, publié pour la première fois en 1963, la langue de Braudel, éloquente et limpide, sa volonté de transmettre à un jeune public une vision de l'Histoire nourrie des autres sciences humaines, servirent à merveille la conviction qui fut toujours la sienne : "Enseigner l'histoire, c'est d'abord savoir la raconter." Par son ambition - il s'attache successivement à l'islam, à l'Afrique noire, à l'Extrême-Orient, aux civilisations européennes, à l'Amérique et à la Russie - et la clarté de son propos, Grammaire des civilisations est devenu un classique traduit en plusieurs langues.720/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2503002058116
LES GRANDES DECONVENUES - LA RENAISSANCE, SUMATRA, LES FRERES PARMENTIEROn dit que la France, au XVIe siècle, a manqué son rendez-vous avec le Monde, puisqu’elle n’aurait pris aucune part à l’épopée de l’exploration des sociétés lointaines – flirtant avec le Brésil, mais boudant l’Asie. Pourtant, deux capitaines dieppois, Jean et Raoul Parmentier, conduisent jusqu’à l’île de Sumatra, en 1529, deux nefs de fort tonnage. Ils en ramènent des plaies, des bosses et un peu de poivre. Aujourd’hui oubliée, leur navigation fut érigée au XIXe siècle en preuve incontestable d’une contribution française glorieuse à la geste des Grandes découvertes. C’est toute la Renaissance occidentale qui aurait débarqué, sous pavillon tricolore, en Insulinde. La fable est flatteuse pour l’idée que nous nous sommes longtemps faite de nous-mêmes comme de pionniers, voire de missionnaires de la « modernité ». Il n’est pas certain qu’elle résiste à l’examen. Menée en archives et dans les méandres des chroniques, l’enquête oblige à s’intéresser d’un même mouvement au monde des marins normands et à celui des négociants malais, à la cour de François Ier et à celle du sultan de Tiku, à la poésie mariale du « Puy » de Rouen et à celle des maîtres de mystique musulmans. Ce qui se joue alors le long du troisième parallèle, lorsque les Dieppois font relâche à Sumatra, ne se comprend qu’à condition de rouvrir les portes de la comparaison – entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est aussi bien qu’entre le savoir des « gens de mer » et celui des érudits. En nous aidant à contempler, défardées, nos grandes déconvenues, cette traversée nous invite à penser la « modernité » au pluriel et la Renaissance au conditionnel.
Directeur de recherche au CERI (Sciences Po-CNRS), Romain Bertrand est notamment l’auteur, au Seuil, de L’Histoire à parts égales. Récits d’une rencontre Orient-Occident (XVIe-XVIIe siècle) (2011), et Le Détail du Monde. L’Art perdu de la description de la nature (2019). Il a également dirigé L’Exploration du monde. Une autre histoire des Grandes Découvertes (2019).1,350/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2503002058106
L'HISTOIRE A PARTS EGALES - RECITS D'UNE RENCONTRE, ORIENT-OCCIDENT (XVIE-XVIIE SIECLE)S'il n'a jamais été autant question "d'histoire-monde", c'est souvent la même histoire du monde qui s'écrit : celle de l'Europe et de son "expansion" en Afrique, en Asie et aux Amériques. Comme si les sociétés extra-européennes se trouvaient toujours réduites à leur rapport à l'Europe. Pour Romain Bertrand, il n'est d'autre remède à cet européocentrisme obstiné qu'une histoire à parts égales, tramée avec des sources qui ne soient pas seulement celles des Européens. C'est ce qu'il propose dans ce texte, en offrant le récit détaillé des premiers contacts entre Hollandais, Malais et Javanais au tournant du XVIIe siècle.880/mainssl/modules/MySpace/PrdInfo.php?sn=llp&pc=2503002058045